A Usson-en-Forez, dans la Loire, le 31 juillet 1790, naquit Louise Élisabeth Sigean. Fille de deux bourgeois de cette petite bourgade peuplée d’environ 3.000 habitants, elle est présentée à l’officier civil par son grand-père maternel, Louis Ribeyron de Voirac, administrateur du département de la Haute-Loire. Pourquoi son père est-il absent ?

L’explication se retrouve dans l’acte de naissance de Louise Élisabeth. Son père, Jean Baptiste Antoine est à Paris pour participer à la Fête de la Fédération en tant que délégué de la ville. Organisée par La Fayette et soutenue par l’Assemblée Constituante, cette fête monumentale qui commémore le premier anniversaire de la prise de la Bastille, aura lieu sur le Champ-de-Mars. On embauche près de 1200 ouvriers très mal payés, pour monter les estrades et procéder aux travaux de terrassement, qui menacent alors d’une grève. On cède et en signe de concorde, les bourgeois de la ville mettent la main à la patte. On raconte que La Fayette lui-même et Louis XVI donneront quelques coups de pioches. Ce qui n’empêche pas que l’on entende le Ah ! ça ira : « Ah ça ira, ça ira, ça ira, Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra. », dont Édith Piaf a immortalisé une magnifique version.
Issu de la noblesse de robe (familles anoblies après avoir achetés une charge judiciaire), descendant d’une lignée d’avocats au parlement et de notaires royaux, il devait sûrement penser alors qu’il fallait mieux faire valoir ces origines bourgeoises plutôt que son aristocratie acquise. Depuis l’Édit de la Paulette, proclamé par Henri IV, soucieux de pouvoir administrer les terres royales de plus en plus étendues, les riches bourgeois pouvaient acheter une charge adjointe à un titre de noblesse. Peu à peu, l’opposition entre noblesse d’épée et noblesse de robe s’estompera. Il est intéressant de noter qu’après la Révolution, la famille Ribeyron de Voirac aura fait disparaître sa particule devenant la famille Ribeyron, ce qui est sûrement le signe de leur ralliement à la Révolution, comme en témoigne l’acte de décès de Magdelaine Françoise, mère de Louis Élisabeth.

Les soldats et les gardes nationaux fraternisent. Jean Baptiste Antoine est, par ailleurs, aide-major de la Garde Nationale. Il fait parti des 50 à 100.000 représentants de la Province qui sont hébergés à l’occasion à la capitale. Au centre de la place est érigé un autel à la Patrie. A sa tribune, La Fayette proclame, en tant que Commandant de la Garde Nationale :
«
Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l’intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu’elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité.. »
L’évêque d’Autun, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord célèbre la messe, entouré de 300 prêtres. Louis XVI prête serment :
«
Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois. »
Ce grand moment de Concorde Nationale, sera le dernier avant que Louis Capet ne trahisse son pays en fuyant à Varennes pour soulever l’Europe monarchique contre la Révolution.
